Ostende, où la Mer rencontre l’Art
Un matin venteux, fin avril, nous découvrons la côte belge. Ostende se révèle sans fard. Comme toutes les villes belges, ce n'est pas une ville qui cherche à plaire, elle nous séduit autrement : des immeubles brutalistes mêlés à des maisons de maîtres ça et là, un front de mer où le vent s'engouffre, où les enfants se baladent en gocards camion de glaces et où l'on découvre le Mc Moules. Ostende est une de ces rares villes de bord de mer où l'on y vit aucun qu'on y vient le temps d'un week-end. Notre train vient d'arriver, le parfum des algues marines se mêle à l'odeur des gaufres et du café. En route pour une virée belge à Ostende.
La ville a gardé les traces de sa grandeur passée — "la Reine des plages", disait-on au XIXe siècle, lorsque Léopold II la transformait en station mondaine. Le Thermae Palace, l’Hippodrome Wellington, les galeries royales... Tout évoque une Ostende dorée, où les têtes couronnées venaient respirer l’iode dans des décors d’opéra. Mais Ostende ne vit pas dans ses cartes postales. C’est une ville qui évolue, qui pulse. Prenez la Langestraat, artère nocturne, où les bars vivent au rythme des week-ends. Un peu plus loin, le port, nerveux et bruyant, rappelle que la ville travaille autant qu’elle rêve.
Ostende est aussi une terre d’art. On pense bien sûr à James Ensor, son enfant terrible, dont la maison est aujourd’hui un musée. On pense à Marvin Gaye, qui composa ici « Sexual Healing » en 1982, inspiré par les sons du vent et le silence des plages d’hiver. On pense à Arno, rockeur rugueux au cœur tendre, figure ostendaise par excellence. La ville célèbre ses artistes tout en laissant la place aux vivants : les murs peints dans toute la ville témoignent d’une vitalité artistique urbaine que l'on retrouve grâce au plan de The Crystal Ship. Même le casino Kursaal.
Ce joyau architectural de la côte belge, incarne l’âme d’Ostende depuis plus d’un siècle. Situé sur la digue face à la mer du Nord, ce bâtiment emblématique mêle histoire, art et divertissement dans un cadre unique. L’histoire du Kursaal débute au XIXe siècle avec la construction d’un premier bâtiment en bois, conçu par l’architecte Henri Beyaert. Ce premier Kursaal, achevé en 1852, était un lieu de concerts et de bals, décoré de mosaïques et de kiosques hexagonaux pour des concerts en plein air. Cependant, le bâtiment fut démoli en 1940 lors de l’occupation allemande. Après la guerre, le projet de reconstruction fut confié à l’architecte Léon Stynen. Le nouveau Kursaal, inauguré en 1950, se distingue par son architecture moderniste, avec des façades en verre bombé et une structure en béton armé. Ce bâtiment est aujourd’hui le plus grand casino de Belgique et un exemple remarquable du modernisme architectural.
Aujourd'hui, le Kursaal n’est pas seulement un casino ; c’est aussi un centre culturel dynamique. Ce qui frappe lorsqu’on déambule dans les vastes couloirs, c’est la sensation d’entrer dans un musée à ciel fermé, un écrin discret pour l’art belge du XXe siècle. Ici, le divertissement n’exclut pas la culture, bien au contraire : elle s’y inscrit dans les murs. Parmi les œuvres les plus saisissantes, on trouve une peinture murale signée Paul Delvaux, grand maître du surréalisme belge. Dans son style inimitable, Delvaux y déploie un monde onirique peuplé de figures féminines et énigmatiques. La fresque, subtile et silencieuse, semble suspendre le temps, comme si Ostende elle-même hésitait entre rêve et réalité.
Et puis, il y a les œuvres singulières et pleines de fantaisie de Pierre Caille, artiste à l’imaginaire foisonnant, souvent méconnu du grand public. Ses pièces, à la frontière entre le conte et le mythe, injectent une dose d’ironie douce et de poésie colorée dans l’atmosphère du casino. Avec ses céramiques, reliefs et sculptures décoratives, Caille introduit un langage plus libre, presque enfantin, où le merveilleux côtoie l’absurde.
Ces œuvres, pensées dès la reconstruction du Kursaal dans les années 1950, ne sont pas de simples éléments décoratifs : elles racontent l’histoire d’une Ostende artistique, avant-gardiste, et résolument ancrée dans son temps. Elles rappellent que le casino n’est pas qu’un espace de jeu, mais aussi un témoin vivant du dialogue entre art, architecture et société.
À quelques pas du casino, la brasserie, Café du Parc, Art déco, fondée en 1929 par l’architecte Joseph Van der Banck, nous embarque par son ambiance chaleureuse et son décor soigné. Les vitraux colorés, les sols carrelés et les reliefs au plafond témoignent d’un patrimoine architectural rare, classé pour sa valeur historique, un brin désuet mais au charme fou. Le Café du Parc propose une cuisine belge bistro revisitée avec modernité. Parmi les incontournables, le cocktail de crevettes, les classiques tels que la sole à la grenobloise et le steak tartare sont également mis à l’honneur. Les habitués sont installés en terrasse à lire le journal, les familles se regroupent le temps d'un déjeuner où les enfants dévorent les frites maison. Nous avons adoré le cadre de ce lieu emblématique où toutes les générations se mêlent.
Nous repartons à vélo explorer l'autre côté de la ville. À l’écart, les plages s’étirent comme des promesses silencieuses. Vers le domaine Raversijde, la foule s’efface, remplacée par les herbes hautes, les dunes blondes et les oiseaux marins. Ici, pas de musique criarde, pas de transats en plastique : seulement le ressac, le vent dans les oreilles et le sable sous les pieds.
On y croise parfois un pêcheur de crevettes ou un couple en bottes marchant vers l’horizon. Ces plages sauvages, battues par les marées, vous rappellent que la nature est encore souveraine à Ostende. Même aux portes de la ville, le vent y garde son autorité.
L'heure de l'apéritif à sonner, direction le bord de mer. On file au Chamonix, un bar sans prétention, dans son jus, où les chaises en plastiques côtoient les néons et le banquettes en skye. On commande une bière face à la mer tout en mattant le soleil tomber dans l'eau et refermer ainsi une journée bien remplie entre balades culturelles, glace en bord de mer, découvertes locales de beignets de crevettes et visites architecturales.
En ce matin d’avril balayé par le vent du large. À deux pas du port, un bâtiment attire le regard : lignes modernes, enseigne sobre, atmosphère électrique dès la porte franchie. Bienvenue au The Ostendian, un nouvel hôtel quatre étoiles qui bouscule les codes du tourisme balnéaire belge. Ici, on ne dort pas simplement à Ostende : on la vit, on la goûte, on l’écoute.
Le concept ? Un hôtel qui célèbre l’âme d’Ostende dans tout ce qu’elle a de plus vivant et populaire. Dès l’entrée, le ton est donné : réception sous lumière néon, musique soul en fond sonore et rires au comptoir du bar à l'arrière. On se croirait dans un club des années 70, réinterprété à la sauce flamande. Le bar feutré est ouvert sur la cour pavée, véritable cœur battant de l’établissement. Locaux et voyageurs s’y retrouvent pour un cocktail ou une discussion after work.
Ce qui distingue The Ostendian, c’est cette volonté de reconnecter l’hôtel à sa ville. Chaque chambre – appelées « Soul Rooms » – rend hommage à une figure emblématique d’Ostende : un musicien oublié, un poète, un artisan. Les murs sont décorés avec goût, entre minimalisme contemporain et clins d’œil historiques. Ici, pas de standardisation aseptisée. Mais l’expérience ne s’arrête pas là. L’hôtel propose quatre suites thématiques à la personnalité bien trempée. Parmi elles, la Recording Suite, qui rend hommage à la scène musicale locale : tourne-disques vintage, coin karaoké, playlist sélectionnée par des DJs ostendais. Ou encore la Red Light Suite, plus audacieuse, avec jacuzzi, lumières tamisées et atmosphère sulfureuse rappelant les nuits du quartier Hazegras. Un nouvel hôtel-concept qui réussit son pari en offrant une expérience urbaine, artistique et en même temps humaine. Que vous soyez touriste curieux ou Ostendais de passage, The Ostendian mérite une visite.
Juste en face de l'hôtel, on sonne dans la tour voisine. Perché au 28e étage de la Sky Tower One, le restaurant HAUT offre une véritable expérience sensorielle et panoramique. Ici, chaque bouchée raconte une histoire — celle de la mer du Nord, des saisons et des savoir-faire locaux sublimés par le chef Dimitri Proost. La récente étoile Michelin 2025 couronne un parcours gastronomique où la finesse française se mêle à des touches japonaises délicates, créant un équilibre subtil entre tradition et modernité. Au fil du repas, on se laisse porter par la vue spectaculaire, qui déploie l’immensité de la côte belge sous un ciel souvent changeant, entre lumière dorée et brume marine. Chaque plat invite à une découverte, une plongée dans un univers où le goût dialogue avec le paysage.
Nous avons découvert Ostende en ce mois d'Avril et on rêve déjà d'y repartir avant la fin de l'été. C'est une ville qui se mérite. Elle ne vous charme pas d’emblée, mais elle vous reste. C’est une ville qui parle vrai, qui assume ses contrastes : élégance et rugosité, luxe défraîchi et énergie créative, béton des années 50 et lumière d’Atlantique nord.
CARNET D’ADRESSES
The Ostendian
€ / Oesterbankstraat 6, 8400 Ostende
De Grote Post
€ / Hendrik Serruyslaan 18A, 8400 Ostende
Casino-Kursaal
€ / Kursaal-Westhelling 12, 8400 Ostende
Vincl’O
€€ / Christinastraat 61, 8400 Ostende
Brasserie du Parc
€€ / Marie-Joséplein 3, 8400 Ostende
HAUT
€€€ / Leopold III-laan 2, 8400 Ostende
Kaap
€ / Zeedjik, Koning Boudewijnpromenade 10, 8400 Ostende
Martine glacier
€ / Zeedjik, Koning Boudewijnpromenade 10, 8400 Ostende
Chamonix
€ / Albert I-promenade 62, 8400 Ostende
Pied de Poule
€€ / Van Iseghemlaan 88, 8400 Ostende
White interiors
€€ / Langerstraat 55, 8400 Ostende
Frituur Hazegras Afhalen Thuislevering
€ / Graaf de Smet de Naeyerlaan 20, 8400 Ostende